CE QUE J'AI APPRIS AVEC SPINOZA ou LE DÉFI DE LA BIENVEILLANCE
ÉPISODE 1
hier, j'ai posté ceci de façon confidentielle et cette publication ayant reçu un nombre incroyable de réactions (likes et commentaires), je la partage avec vous tous.
VOICI :
Lorsque je me suis mis à écrire « Le Procès de Spinoza », paru aux éditions Albin Michel, je n’avais pas la moindre idée de là ou cette aventure me conduirait. Il ne s’agissait, pour moi, au départ, que de raconter cet épisode de la vie du philosophe d’Amsterdam dont le bannissement n’était pas sans analogie avec mon propre vécu et j’étais donc loin, consciemment du moins, de me douter que je partais à la rencontre de celui que je considère aujourd’hui comme le premier des psychologues, voire comme un véritable maître spirituel. En fait, et comme j’ai eu l’occasion de le dire alors au micro de plusieurs journalistes, je faisais, à ma façon, et depuis bien des années, du Spinoza sans le savoir. Et le découvrir vraiment m’a permis d’approfondir mes intuitions et de leur donner une base beaucoup plus solide. A force de le lire et de lire sur lui et sur son œuvre, avec pour unique perspective, dans un premier temps, de donner plus de vérité aux dialogues de mon ouvrage et aux péripéties qui le composent, il est devenu l’inséparable compagnon de mes jours et de mes nuits. Pendant un peu plus d’une année, il m’a enseigné en donnant à mes perceptions, si ce n’est même à mes certitudes, une assise philosophique. Ainsi m’a-t-il conforté dans l’idée que Dieu est un, non point dans le sens où il n’y aurait pas une multitude de dieux, mais dans le sens où il est Tout et, où étant Tout, il a tout et n’a besoin de rien ni donc ne demande rien ni n’exige quoique ce soit. Ainsi m’a-t-il aussi confirmé dans cette autre idée qui en découle et qui est que nous ne faisons qu’un. Nous ne faisons qu’un puisque, étant nous-mêmes, des manifestations de Dieu qui est Un, nous ne faisons, conséquemment, qu’un avec lui et, dès lors, qu’un les uns les autres. De même, ai-je retrouvé chez Spinoza cet autre regard sur la vie, sur les autres, sur le monde qui consiste à considérer que tout est parfait — ce que j’avais envisagé dans mon essai co-écrit avec mon épouse Nicole Aknin et intitulé « Et si la vie voulait le meilleur pour nous ? ». Tout est parfait, explique-t-il, non pas par opposition à un quelconque imparfait, mais, simplement, en ce que, ce qui est, ne peut pas ne pas être, invitation, s’il en est, qui nous est faite à accepter la réalité de ce qui est plutôt que de vouloir absolument que ce qui est ne soit pas ou que, plus fréquemment exprimé d’ailleurs, ce qui a été ne se soit pas produit. En outre, j’ai eu tant de joie, moi-même, lorsqu’il y a bien longtemps, j’ai entrepris un travail sur moi pour sortir de mes ornières, et lorsque, tout excité, je partageais aussitôt avec ma bienaimée chaque découverte que je faisais sur la compréhension de la façon dont je fonctionnais, sur les mécanismes de défense que je mettais en place, sur les jeux psychologiques que je rejouais sans cesse, sur les émotions que ma compulsion de répétition réactivaient, j’ai eu tant de bonheur alors que j’ai littéralement sauté de joie en étant témoin de la joie de Spinoza. Joie, non point en tant qu’émotion éphémère associée à une cause extérieure mais en tant qu’état d’être de celui qui n’a de cesse de se comprendre lui-même, de comprendre la vie, Dieu, la nature, le monde et son prochain. Aussi est-ce avec un enthousiasme tel qu’il n’a point besoin d’adjectif qualificatif que j’ai spontanément adhéré, parce que, fruit de ma propre expérience, à la fonction que Spinoza attribue à la joie et qui est d’augmenter notre puissance d’être et d’agir au lieu que la tristesse a ce triste privilège, quant à elle, de diminuer ladite puissance. Et puis, alors que je continuais de cheminer avec mon joyeux compagnon, je me suis rendu compte qu’il était aussi le philosophe de la bienveillance, cette vertu, dirait Comte-Sponville, qui, pour Spinoza, se décline sur quatre modes qui constitue, en quelque sorte, sa devise : « ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre. » Ces dits quatre modes me semblent être autant de recommandations à explorer pour avancer davantage dans la pratique de la bienveillance qui me paraît essentielle. C'est un défi à relever, chaque jour, que de ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas haïr, mais comprendre. Et c'est ce défi que je suis joyeux de relever, même si la barre est haute, très haute, infiniment haute!
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